Cambodge – Le lycée Tuol Slang de Phnom Penh était encore un peu paisible avant ce 17 avril 1975*, malgré les bruits des bombes qui se rapprochaient de la capitale. Les lycéens inquiets continuaient cependant de rire et de s’amuser comme des jeunes de partout, lassés cependant de ce climat de guerre qui pesait depuis déjà quelques années. Les Khmers rouges approchaient… Peut-être viendrait alors la paix tant espérée et la joie de vivre…

Ce temps de paix n’eut même pas lieu et la capitale fut vidée en 3 jours de tous ces habitants et pendant 4 ans ( 1975-1979 ), le pays connut l’horreur khmère rouge où 2 millions de Khmers ont péri ( 1/4 de la population )

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Notre lycée devient lui, sous le nom de code S21, le lieu de torture de la Capitale. Un des 300 lieux de tortures éparpillés dans tout le pays. Les Khmers rouges conçoivent leur idyllique pays sans villes, écoles, hôpitaux, religion, culture, monnaie, justice, presse, droits… uniquement un pays d’idéologie fanatique, de terre, de riz et de sang. Le Kampuchéa a deux composantes alors l’ancien peuple ( les paysans et nos glorieux et imaginatifs révolutionnaires pro-chinois ) et le nouveau peuple ( tous les autres… intellectuels, gens américanisés, personnes à lunettes… ) esclave et destiné à être par la faim, le travail forcé, la torture, l’exécution sommaire et artisanale à être exterminé. Le pays est dirigé par l’organisation, très secrète, l’Angkar, qui a à sa tête le Frère N° 1 Pol Pot (mort en avril 1998).

Tous ceux qui rentrent à S21 sont soupçonnés de tout et de rien par l’Angkar et sont donc forcément coupables, l’Angkar ne se trompant jamais. Ils sont donc, dès qu’ils franchissent l’entrée du lycée, condamnés à être tués. Mais ils doivent faire leurs aveux pour prouver peut-être à l’encart lui-même la justesse de ses soupçons. Si les aveux ne sont pas satisfaisants, on recommence la torture jusqu’à ce que le directeur de la prison, Douch*, soit satisfait. Et on avoue, on avoue qu’on est de la CIA et du KGB alors que l’on sait ni lire ni écrire et à peine épeler, on avoue, on dénonce… Attention au bourreau qui laisse mourir un coupable avant ses aveux, il risque gros. Des infirmières sont là aussi pour éviter que le patient ne meure avant d’avoir avoué.

Au début, ceux qui passent par S21, sont les ennemis normaux du régime, les opposants naturels puis ce sont des cadres khmers rouges qui passent aux aveux… le régime s’autodétruit, la parano du complot est grande à l’Angkar. À S21, la procédure est très bureaucratique ; tous les « entrants » sont ainsi photographiés ( d’où les nombreuses photos exposées actuellement ) et les « aveux » soigneusement conservés…

Le lycée comprend 3 bâtiments à 3 étages. Le premier est le centre de torture, le second le centre de détention avec les deux premiers étages les « cellules » individuelles » et le 3e collectives ( 60 personnes couchées par terre, les pieds aux fers, par salle de classe). Après leurs aveux, les détenus étaient emmenés le soir et secrètement à 15 km de S21 au camp d’extermination de Choueung EK [ Les Killing Fields ] où ils étaient abattus souvent par un coup de massue.

À leur arrivée, le 7 janvier 1979, les « libérateurs »  vietnamiens trouvèrent encore morts sur leur lieu de torture 17 corps. Les Khmers rouges dans leur fuite précipitée n’ont pu détruire qu’une partie des archives, preuves de leurs horribles pratiques. Seules 7 personnes ont survécu à S21 dont les peintres Vann Nath [ dont les tableaux exposés à S21 racontent la vie du centre. Il est mort en décembre 2011 ] et, Chum Mey ancien mécanicien qui lui est toujours présent les après-midi à S21 pour continuer à témoigner. Ces 2 personnes sont restées en vie, car utiles à Douch.
Environ 17 000 personnes sont passées en 4 ans à S21.

C’est ma 4ème visite à S21. À chaque fois, on en ressort mal et en se disant que l’Homme est capable de tout et que hélas, en 2016, cela n’a pas changé. En 2O16, j’ai parcouru, et c’est une importante et utile nouveauté, les 3 bâtiments avec un audio guide dans ma langue. Le commentaire très complet et très bien fait, juste et parfait, parsemé de témoignages des rares survivants ou d’enfants de victimes… Vous comprenez encore mieux ce que fut S21 et le régime khmer rouge et son génocide. C’est dans le silence, avec cette voix et ces visages des victimes qui vous regardent, que l’on parcourt le lieu et aussi qu’en vous le silence et le recueillement se font…

 

  • * Saigon est « libéré » le 30 avril
  • * Condamné A la perpétuité par le tribunal international en 2012 ; Geôlier de François Bizot [ livre : Le Portail ] en 1971
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Dominique Gaye, originaire du nord de la France et vivant actuellement à Chalon/S parcourt l'Asie du Sud-Est (Laos, Vietnam, Thaïlande, Malaisie, birmanie, cambodge) depuis 1976 avec un attachement particulier pour la Thaïlande et le Cambodge. Ses premières photos furent des diapos. Sa dernière "mission" est en terre khmère de novembre 2015 à février 2016 où il a fait plus de 35 000 photos. Ces clichés sont des scènes de tous les jours, des grains de vie, des grains de riz... Vous trouverez d'autres photos de Bourgogne, de Prague, de Vilnius En route pour le voyage...en tuktuk (dites touktouk) ou comme vous voulez

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